18.5.11

Les seconds rôles du festival de Cannes : Béatrice de Moisy


Longtemps directrice des relations publiques d'une prestigieuse maison de haute-couture, licenciée du jour au lendemain, Béatrice de Moisy a passé quelques jours sonnée dans son triplex.

En t-shirt et en caleçon, se nourrissant de tablettes de chocolat noir et de bordeaux, passant de son canapé à son lit à son hamac à sa baignoire à son lounge chair blanc, elle avait pris le temps de réfléchir. Après tout, ce poste l'ennuyait à mourir. Obligée de vivre dans une culture maison terriblement lourde, violente et hautaine. La bouche empesée de mots mille fois rabâchés aux journalistes et visiteurs de prestige. Le dos coincé de devoir sourire autant. L'estomac blasé par les déjeuners horriblement chers et légers. Elle se rappela son dernier risotto, pris à La Capitale, en compagnie d'un vieux couturier botoxé et cassant, de deux journalistes boursouflés et d'une jeune actrice en vue déprimante d'espoirs béats.

Un risotto aux grains de riz durs comme des graines à perruches. Une onctuosité de pacotille sans doute obtenue en versant une bousée de crème liquide en brique. Deux chips de parmesan plantés dans le tas visqueux, paumés comme Vladimir et Estragon. Et froid. Et 56 €.

Le souvenir de ce risotto la mit en colère. Elle décida de faire enfin quelque chose d'elle-même. D'arrêter de dilapider son talent. Prendre un avion pour Cannes, sa ville d'origine, à la recherche d'un petit restaurant à acheter. Elle y cuisinerait le meilleur risotto possible. A un prix correct. Pour avoir la satisfaction d'aller errer sur les routes italiennes à la recherche du riz idéal. Pour avoir le plaisir de produire une chose bien réelle, bien tangible. Pour voir du monde passer chez elle, pour avoir des gens qui lui touchent le bras gentiment, qui la prennent par l'épaule pour la féliciter, qui l'aiment bien.

Voilà ce qu'elle ferait.
Elle reposa son verre vide sur la table basse et alluma une clope.

1 commentaire:

Cécile a dit…

Il se passe bien quelque chose. c'est mélancolique. On te sent encore tâtonnant et hésitant. Mais ça prend tournure. affleure une personnalité que je ne connaissais pas. Plus serrés, les textes ? Continue les dessins au stylo bille. Tous mes encouragements car tu devenais rare. A bientôt. :-)