Dans la salle d'attente. Une orchidée face à moi, sur la cheminée de marbre rose. A droite, une rangée de livres. Au milieu de cette rangée, une enceinte qui diffuse une émission apparemment consacrée à l'alcoolisme dans la région du Cercle Polaire.
Une tranche de livre attire mon œil : Guide des fromages. A ses côtés, Cuisine brute et Recettes de Mimi. Curieux, cette collection de livres de cuisine chez un neurologue. Je me demande bien pourquoi ce choix. Sur la table basse traînent les magazines habituels que je n'ai même pas envie de feuilleter. Je me lève du petit canapé rouge pour aller consulter ce Guide des fromages qui m'intrigue. Je l'ouvre au hasard et découvre la Dominette, pierre ponce jaunie par endroits. La fragnée, bout de bois moussu. La tomette de l'ours, bouchon de champagne anamophorsé. Le robinhol, le roncal, le mothais...
Derrière la porte de la neurologue, une conversation. J'entends deux voix, dont une très aigüe, qui parle de cerveau, d'incapacité, de matin ça fait mal, de désorientation, de peur. La porte est blanche, visiblement récemment repeinte. Pendu à la poignée, un mini attrape-rêves. Le silence revient. Dans la rue, trois étages plus bas, un scooter démarre.
La porte s'ouvre, la neurologue prononce mon nom avec une intonation à la fois interrogative et invitative, regardant les trois personnes de la salle d'attente. Un homme en imperméable, grande mèche blanche et cravate noire. Une dame replète en tailleur pourpre. Je lui souris, elle me fait entrer et referme la porte derrière moi.
Mince, cheveux clairs, peau mate, taches de rousseur, yeux verts, sourire facile. Elle me pose les questions usuelles pour remplir sa fiche informatique. M'écoute très attentivement lorsque je lui raconte mes symptômes. Concentrée, elle établit mentalement un premier diagnostic en temps réel. Puis elle me dit :
"Vous pouvez enlever votre pull. Dessous, vous êtes en manches courtes ?
- En polo.
- Vous pouvez aussi enlever votre polo. Et votre pantalon. En fait, mettez-vous en slip."
Je me déshabille donc, en me demandant si le caleçon convient aussi pour l'examen neurologique.
Elle me demande de marcher vers sa bibliothèque. J'y repère un recueil de poèmes.
Puis elle me demande de marcher vers son bureau. Une tête de femme y est posée. Une sculpture de pierre qui a l'air très lourde.
La neurologue me dit que pour l'instant tout a l'air normal et que nous pouvons passer à l'examen proprement dit. Elle me fait entrer dans une toute petite pièce peinte en bleu. Je m'allonge sur le lit. Elle m'explique le déroulement de l'examen et le fonctionnement de la machine, très calmement. Je fixe une lampe, vers le plafond. Et la neurologue, assise sur le lit, calée contre ma cuisse, met en marche l'appareil.
A la fin, très longtemps après, elle me remet une liasse de résultats, qu'elle agrafe. Et me donne aussi deux ordonnances pour de nouveaux examens chez un confrère à elle. Pour être sûre.
Ces deux ordonnances, je les plie en deux et les oublie dans ma poche de manteau.
Ces deux ordonnances, je les plie en deux et les oublie dans ma poche de manteau.
4 commentaires:
sympa ce post
Le grand trou noir d'internet a dévoré mon commentaire, et je ne me souviens plus de ce que je t'avais écrit... Tu peux me donner l'adresse de ta neurologue ?
on peut avoir la suite parce que ça devient un peu flippant, là
Christine, j'ai oublié. Mais attention le GTNDI gagne du terrain chaque jour.
Soledad, pour la suite, il faudrait que j'aille consulter les spécialistes qu'elle m'a conseillés, et j'ai pas envie.
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